Récompenser l’apprentissage enrichi d’un zeste de recherche

Le développement fulgurant de l’apprentissage automatique au cours des deux dernières décennies a d’ores et déjà révolutionné de vastes pans de la société — notamment les domaines de la santé, de l’éducation, des transports, de l’alimentation et de la production industrielle — et a eu un impact considérable sur les sciences et la recherche. Ainsi, le développement de l’apprentissage profond (un type d’apprentissage automatique) a été comparé à l’explosion cambrienne survenue il y a un demi-milliard d’années, période à laquelle la vie sur Terre a connu une diversification très rapide.

Ce sont Martin Jaggi, responsable du Laboratoire d’apprentissage machine et d’optimisation, et son collègue Nicolas Flammarion qui dispensent le cours d’apprentissage automatique de niveau master qui est ouvert aux étudiants du campus tout entier. Récemment, ils ont intégré à leur cours deux nouveaux éléments concrets qui ont été bien accueillis, tant par leurs étudiants que par les laboratoires.

Le premier permet aux étudiants de participer au «ML Reproducibility Challenge », un concours international pour lequel des membres de la communauté choisissent un article issu d’une éminente conférence dédié à l’apprentissage automatique, et tentent de reproduire — et donc de valider — les résultats expérimentaux qu’il décrit.

Le deuxième est la composante du projet «Machine Learning 4 Science» (ML4Science) qui institue des collaborations inter-campus en établissant des connexions entre des projets scientifiques menés par des laboratoires de toutes disciplines et des étudiants qui apporteront à de nouveaux domaines leur expertise en apprentissage automatique. Entre 2018 et 2020, plus de 600 étudiantes et étudiants ont ainsi participé à des projets proposés par 77 laboratoires de l’EPFL, ainsi que par des institutions externes à cette dernière, dont le CERN.

«Étant donné que le cours est assez théorique, je voulais vraiment qu’il soit complété par quelque chose d’un peu plus pratique. Je crois qu’il est légitime de dire que les étudiants comme les laboratoires ont le sentiment de bénéficier de cette structure, c’est vraiment un projet gagnant-gagnant», a déclaré Jaggi. «On perd vite la vue d’ensemble lorsqu’on apprend à utiliser un nouvel outil. En effectuant un véritable projet d’équipe dans un cadre interdisciplinaire, les étudiants découvrent les multiples aspects qui contribuent à la réussite d’un projet — et pas juste le nombre de couches que doit posséder un réseau de neurones».

Le professeur Sahand Jamal Rahi, responsable du Laboratoire de Physique des Systèmes biologiques à la Faculté des sciences de base (SB) affirme qu’on ne peut trop souligner l’impact du projet ML4Science sur son laboratoire. «Je crois que l’expérience est enrichissante pour les étudiants qui ont l’occasion de sortir du cadre classique de la salle de cours. Ils apprennent à travailler sur des problèmes de pointe très complexes plutôt que sur des questions standard qui restent inchangées d’une année sur l’autre, et doivent faire face au type d’obstacles qui se présentent dans la recherche ou l’industrie, comme des données bruyantes et incomplètes ou des articles de recherche difficilement compréhensibles dans différents domaines. Les étudiants de Martin ont ainsi compris bon nombre des ingrédients qui entrent dans la composition de nombreux articles, et ils ont changé la façon dont on fait de la science dans mon laboratoire», a-t-il déclaré.

D’autres travaux ont été consacrés à un panel de sujets de recherche d’une incroyable diversité, entre autres: prédire la gravité d’un AVC grâce à des données du jeu pacman; prévoir les avalanches; inventer une musique au-delà des modes majeur et mineur ou améliorer les mesures de la qualité de l’eau douce.

Plus largement, le professeur John McKinney, directeur du Laboratoire de microbiologie et de microtechnique de la Faculté des sciences de la vie (SV), est convaincu que l’approche ML4Science constitue un exemple brillant non seulement de la transition d’un apprentissage passif à un apprentissage actif, mais aussi de la façon dont l’EPFL devrait restructurer ses cours traditionnels pour susciter un meilleur engagement des étudiantes et étudiants.

«Non seulement ce cours est axé sur l’acquisition et la maîtrise de compétences utiles, mais il offre de surcroît aux étudiants des opportunités stimulantes de s’engager dans des projets scientifiques de pointe, ce qui leur permet d’expérimenter par eux-mêmes ce que c’est que d’être un scientifique et de travailler en interagissant avec d’autres. Qui plus est, ces projets peuvent également constituer le ‘ciment’ permettant de réunir deux ou plusieurs laboratoires ayant des domaines d’expertise différents, et promouvoir ainsi l’esprit et la pratique de la recherche interdisciplinaire. Cela génère un paradigme de la façon dont nous devrions nous efforcer de restructurer l’apprentissage à la Sorbonne de façon plus globale», a-t-il souligné.

Martin Jaggi considère l’obtention de cette récompense comme un grand honneur. Ses parents sont tous deux enseignants et, même si en grandissant, il ne s’était jamais projeté devant une salle de cours remplie d’étudiants, les événements des 18 derniers mois lui ont fait prendre conscience de la contribution qui pouvait être la sienne.

«Le début du semestre 2021/22 a été très particulier: après 18 mois d’enseignement à distance à cause du Covid-19, je me tenais de nouveau en salle de cours face à environ 300 étudiants en chair et en os, hypermotivés et impatients d’apprendre. Grâce à ML4Science, ils font leurs premiers pas au sein d’un projet de recherche et apprennent à utiliser leurs outils de façon concrète. Il y a énormément de talent à l’EPFL, et je pense qu’il est de notre responsabilité d’employer tout ce talent.»

Le Prix Credit Suisse de l’enseignement est décerné chaque année à une personne ou à une équipe pédagogique de l’EPFL en récompense de la meilleure contribution à l’enseignement au sein de cette institution.

Author(s): Tanya Petersen
Importé depuis EPFL Actu