Teaching Day 2024: sauvegarder les valeurs centrales des EPF

Sujets brûlants du moment, les coupures budgétaires et la préservation de la qualité de l’enseignement en regard de l’afflux de nouveaux étudiant-es au niveau du Bachelor ont occupé la majorité des interventions délivrées tour à tour par le Président du Conseil des EPF, le Professeur Michael Hengartner et par le recteur de l’ETH Zurich, le Professeur Günther Dissertori.

Un succès qui n’est pas durable

Fin janvier, le Conseil Fédéral a fait part de nouvelles mesures d’économies, et parmi les domaines touchés, la contribution aux EPF pour le budget 2025 s’est vue réduite de 100 millions de francs. Une décision qui met sans aucun doute l’EPFL et l’EPFZ sous pression.

« Les politiques me demandent souvent quel est le secret de notre succès » a confié le Professeur Michael Hengartner face à l’assemblée générale de la Conférence du Corps Enseignant (CCE) de l’EPFL. Selon le président de l’organe stratégique de direction et de surveillance du Domaine des EPF, la réussite des deux institutions repose sur trois piliers: l’ouverture au monde, une gouvernance autonome et des finances saines. « Nous voulons créer des conditions dans lesquelles les meilleur-es étudiant-es et les meilleur-es scientifiques se sentent obligés de nous choisir » a-t-il déclaré « et aujourd’hui nous avons des défis à relever sur plusieurs de ces piliers ».

Le Professeur Hengartner a également souligné l’impératif de miser sur la poursuite des efforts pour accroître la diversité et l’inclusion –notamment en formant davantage de femmes—et en replaçant l’enseignement au cœur des réflexions actuelles, rappelant la nécessité de préserver la qualité de la formation avant tout.

« Les questions que nous devons nous poser sont les suivantes : « Que voulons-nous enseigner à la prochaine génération ? Quelles compétences, quelles connaissances voulons-nous lui transmettre ? Et enfin, à qui voulons nous enseigner ? Le nombre de femmes dans nos écoles augmente très lentement. Si nous formions autant de femmes que d’hommes en informatique par exemple, la Suisse ne manquerait pas d’informaticien-nes.».

Constat commun

Du côté de l’EPFZ, le Professeur Günther Dissertori dresse un constat similaire : les deux institutions sont victimes de leur succès. Pour le recteur de la « grande sœur » de l’EPFL il s’agit d’être à l’écoute des parties prenantes afin de délivrer des formations en adéquation avec leurs besoins en constante évolution. Il souligne l’importance de développer l’enseignement par projets afin de favoriser une approche plus globale et systémique et développer la capacité des étudiant-es à formuler des approches plutôt que de trouver des réponses prédéfinies. Enfin, il propose de réfléchir à de nouvelles modalités pour la formation continue. « L’une des façons de comprendre les besoins concrets de l’industrie est l’enseignement basé sur des projets. Il y a une demande croissante pour des cours plus courts, des systèmes de micro-crédits. Nous devons être de plus en plus à l’écoute de nos anciens élèves, de l’industrie et de la société. »

En ce qui concerne le déséquilibre des genres dans les domaines MINT, Günther Dissertori privilégie une approche basée sur les preuves et en appelle à intensifier l’analyse de l’impact des nombreux programmes visant à remédier à cette problématique. Il insiste notamment sur la contribution qu’apportent les EPF à ce niveau-là au travers de leurs programmes en sciences de l’apprentissage.

« Tout ne va pas bien mais on a de bonnes nouvelles »

Ces propos ont cédé la place à une table ronde sur le thème “Défis et Opportunités pour la formation des ingénieur-es en Suisse » en deuxième partie de matinée. Rejoignant sur scène Michael Hengartner et Günther Dissertori, le journaliste de la RTS Alexis Favre y a également invité les représentantes et représentants de l’EPFL dont le vice-président associé pour l’éducation, Pierre Dillenbourg, la vice-présidente pour la transformation responsable, Gisou van der Goot, la directrice du Laboratoire de Machine Learning pour l’éducation (ML4ED), Tanja Käser et enfin, incarnant la voix du corps estudiantin, le co-président de l’AGEPoly, Jakub Frybes.

En guise d’ouverture à la discussion, Pierre Dillenbourg a appelé à ne pas céder au pessimisme. « L’esprit de nos réunions est plus terne que la réalité » a-t-il tempéré. Selon lui, en parallèle aux défis émergents, des avancées encourageantes méritent d’être soulignées. Il cite notamment la nomination récente des deux premiers Maîtres d’Enseignement et de Recherche Type II à l’EPFL, un titre qui permet de valoriser des personnes ayant enseigné durant des années, innové et développé des ressources « mais qui ne suivent pas un parcours de Professeurs ». Et de citer également le passage à un nouveau système de gestion académique, le projet de développement des infrastructures qui offrira à terme 1’500 nouvelles places adaptées à l’enseignement par projet, ainsi qu’une enveloppe de 500’000 francs débloquée à destination des Assistant-es Étudiant-es. « Tout ne va pas bien mais on a de bonnes nouvelles » rassure-t-il.

Collaborer et communiquer pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain

Dans un contexte tumultueux, les expert-es des deux EPF ont relevé l’importance de s’adapter à l’évolution du paysage tout en maintenant leurs valeurs fondamentales et leur engagement en faveur de la qualité de l’éducation. L’accent a été mis sur la nécessité de continuer de développer les compétences transverses des étudiant-es et de miser sur une collaboration étroite entre les deux institutions fédérales.

« Nous avons deux masters conjoints en cybersécurité et en ingénierie nucléaire, nous avons un centre conjoint pour la science des données, nous discutons et finalisons un centre conjoint pour l’IA, nous discutons d’un autre centre dans un avenir proche dédié aux sciences de l’apprentissage, nous essayons donc d’avoir de plus en plus de collaboration, nous avons récemment discuté d’avoir des leçons conjointes hybrides afin que nous puissions bénéficier de cours qui existent dans une école mais pas dans l’autre » explique Pierre Dillenbourg.

Pour la Professeure Gisou van der Goot à la tête de la nouvelle vice-présidence pour la Transformation Responsable, il s’agit plutôt de considérer les changements sociétaux en cours comme une opportunité de remettre en question le statu quo, de repenser les programmes d’études et de ne pas perdre de vue les valeurs au fondement des universités. “Les universités sont des endroits où on doit pouvoir débattre de tout. On doit défendre notre autonomie intellectuelle et morale” souligne-t-elle.

La suite du Teaching Day a donné la parole aux enseignantes et enseignants de l’EPFL et proposait une série de groupes de discussions permettant d’explorer les questions abordées par les intervenant-es lors de la table ronde. Les participant-es ont également pu échanger sur des thématiques plus ciblées telles que les outils d’IA pour l’enseignement, ou plus sociétales telles que la santé mentale, les compétences transverses, la durabilité ou encore la diversité, l’équité et l’inclusion.

Les enregistrements des conférences et de la table ronde sont disponibles ici (accès réservé EPFL).
Enfin, il est également à noter qu’un tout nouveau comité vient d’être créé rassemblant les présidents de l’Assemblée de l’École, du CCE, de l’AGEPoly et de l’APEL et vise à fournir un canal d’échanges directs entre le corps enseignant et les étudiant-es et la VPO. Ce comité d’élu-es prendra ses fonctions dès ce semestre.
Pour en savoir plus au sujet du CCE, rendez-vous ici.

Author(s): Julie Clerget
Importé depuis EPFL Actu
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