Un outil pour mieux définir la relation entre étudiant et enseignant

Durant les études supérieures, une bonne relation entre l’enseignant et les étudiantes et étudiants favorise un climat d’apprentissage agréable. C’est scientifiquement prouvé et beaucoup de personnes en ont fait l’expérience par le biais d’une furieuse envie d’abandonner lorsque le professeur s’avère détestable. Mais qu’est-ce qui est constitutif de cette relation? Pour quelles raison un enseignant est-il apprécié ? Peut-on mesurer ceci de manière objective? «Si beaucoup d’études démontrent l’importance de la relation enseignant-étudiant dans l’apprentissage durant les études supérieures, l’analyse de cette relation est souvent limitée à une seule dimension, telle que la proximité, ou au comportement de l’enseignant, comme les signes verbaux et non verbaux de sympathie et d’enthousiasme, précise Roland Tormey, maître d’enseignement et de recherche au Collège des Humanités. Ce qui est problématique car ces interprétations peuvent différer suivant le contexte social et culturel.»

Focus sur les émotions

Le chercheur, également responsable du Centre d’appui à l’enseignement de l’EPFL, a donc décidé d’élaborer un nouvel instrument centré sur la qualité émotionnelle de la relation enseignant-étudiant, le Classroom Affective Relationship Inventory (CARI). Une recherche récemment publiée dans Higher Education. En effet, si l’importance de la composante émotionnelle dans l’enseignement supérieur est toujours plus reconnue, il n’existait jusqu’alors aucun outil de mesure objectif. Pour créer le CARI, Roland Tormey s’est basé sur les travaux des psychologues Jennifer Jenkins et Keith Oatley. Ceux-ci montrent que la distance sociale et émotionnelle entre les personnes découle du sentiment de connexion (amabilité/sympathie), d’attachement (sécurité/protection) et d’affirmation, de pouvoir (position dans la hiérarchie sociale) qu’amène la relation.

Il est intéressant de constater que l’expérience positive d’un cours est surtout corrélée à l’admiration, au respect, au sentiment de confiance et de sécurité que l’étudiant ressent vis-à-vis de l’enseignant.

Roland Tormey, maître d’enseignement et de recherche au Collège des Humanités

«L’affection et la sympathie sont constitutives du lien social et elles sont au centre de l’idée de proximité. Le sentiment de sécurité et de confiance est également important dans une relation pédagogique, si les étudiants sont anxieux et ressentent de la peur envers leur enseignant, ils sont moins enclins à se comporter d’une manière qui favorise l’apprentissage. Quant à la dernière dimension, les étudiants valorisent des sentiments de respect et d’admiration envers leur enseignant», détaille Roland Tormey.

Le CARI propose de mesurer ces trois dimensions via un questionnaire dans lequel les étudiants doivent noter (sur une échelle en sept points, allant de «pas du tout» à «beaucoup») dans quelle mesure leur professeur peut être associé à une quinzaine de termes comme «impressionnant, inspirant la confiance, influent ou encore compatissant».

Respect et confiance

Le questionnaire a été testé avec succès auprès de 851 étudiantes et étudiants de l’EPFL de niveau Bachelor. «Les données récoltées ont prouvé la pertinence d’un modèle à trois dimensions et ont montré que la qualité émotionnelle de la relation entre l’étudiant et son enseignant est fortement liée à l’appréciation d’un cours, ceci même dans le domaine des sciences et de l’ingénierie, et dans de grandes classes. Il est aussi intéressant de constater que l’expérience positive d’un cours est surtout corrélée à l’admiration, au respect, au sentiment de confiance et de sécurité que l’étudiant ressent vis-à-vis de l’enseignant. Contrairement à ce qui est parfois admis, les enseignants les mieux évalués ne sont donc pas forcément ceux qui apparaissent les plus sympathiques. De même, il n’est pas rare d’entendre qu’un jeune professeur ne doit pas se montrer trop jovial dans les premières semaines afin de se faire respecter. Cette étude montre que sourire et paraître compétent sont deux dimensions indépendantes l’une de l’autre», sourit Roland Tormey.

Les questionnaires remis à l’EPFL ayant été anonymisés, impossible de savoir si la taille de la classe, la discipline, l’origine ou le parcours de l’étudiant et de l’enseignant impactent la perception de la qualité émotionnelle de la relation. C’est pourquoi, Roland Tormey espère que les universités, les chercheurs et les enseignants s’empareront de son outil pour conduire de nouvelles recherches. Surtout que le CARI est applicable dans différents contextes socio-culturels. D’autre part, ce questionnaire permet aussi aux enseignants d’obtenir rapidement un excellent feedback. «En mesurant ces trois dimensions émotionnelles de la relation, le CARI permet de pointer plus précisément ce qui fait la différence.»

Author(s): Laureline Duvillard
Importé depuis EPFL Actu
Array