Un écart existe parfois entre les attentes des employeurs et les compétences des diplômées et des diplômés en ingénierie en termes de planification, de communication ou encore d’évaluation des risques. Pour répondre aux besoins du marché, il est donc essentiel que la transmission de compétences dites professionnelles ou transversales soit incluse dans le cursus des futurs ingénieurs. Plusieurs méthodes utilisées à cette fin s’appuient sur la réalisation de projets en équipes par les étudiants.
« Bien que ces méthodes soient largement répandues dans l’enseignement de l’ingénierie, nous savons peu de choses sur les conditions qui favorisent le mieux le développement des compétences professionnelles chez les étudiants », explique Cyril Picard, assistant-doctorant au laboratoire de conception mécanique appliquée de l’EPFL. Dans la cadre de sa thèse de doctorat, il a effectué une recherche afin de mieux comprendre cette problématique. Cette recherche, menée conjointement avec le responsable du laboratoire Jürg Schiffmann ainsi qu’avec Cécile Hardebolle et Roland Tormey du Centre d’appui à l’enseignement de l’EPFL, a fait l’objet d’un article intitulé « Which professional skills do students learn in engineering team-based projects? », récemment publié dans « The European Journal of Engineering Education ».
L’acquisition de compétences transversales ne va pas de soi
Les compétences professionnelles ont tendance à être traitées implicitement dans le cadre des programmes d’études traditionnels. Lorsque des projets sont utilisés dans les cours, il est attendu des étudiants qu’ils acquièrent des compétences professionnelles en même temps que des compétences techniques, mais souvent seules les compétences techniques sont explicitement traitées.
« Une croyance commune selon laquelle il suffit aux étudiants de travailler en groupe pour développer des compétences en gestion de projet semble exister », note Cyril Picard. « Notre recherche a eu pour but de vérifier cela ». Menée auprès d’étudiants de deux cours de bachelor et un cours de master en ingénierie mécanique de l’EPFL dispensé par le professeur Jürg Schiffmann, les résultats montrent que si travailler sur des projets en groupe aide les étudiants à acquérir des compétences techniques ou encore à se préparer aux examens, l’acquisition de compétences transversales, quant à elle, ne se fait pas automatiquement.
Un accompagnement ciblé nécessaire
Le cours de master dans le cadre duquel la recherche a été menée comprenait des apports théoriques et un accompagnement spécifique des étudiants sur la planification et l’évaluation des risques. Ce qui n’était pas le cas de deux cours de bachelor. Et les résultats sont sans équivoque : « Les étudiants qui travaillent sur des projets sans que ces sujets soient abordés explicitement par l’enseignant et les assistants n’apprennent pas grand-chose en termes de gestion de projet ou d’évaluation des risques », détaille Cyril Picard. « Par contre, lorsque les compétences transversales sont traitées en cours, suivies pendant les projets et évaluées, l’acquisition des compétences s’effectue », ajoute-t-il.
« Si nous voulons que les étudiants développent des compétences professionnelles, il n’y a pas de secret : un accompagnement dans le développement de ces compétences est nécessaire », relève Cécile Hardebolle, conseillère pédagogique au Centre d’appui à l’enseignement de l’EPFL.
De petites adaptations pour de grands résultats
Le professeur Jürg Schiffmann n’est pas surpris par ces résultats : « L’enseignement passe toujours par une sensibilisation des étudiants à des sujets sur lesquels nous souhaitons qu’ils évoluent », relève-t-il. Les résultats de la recherche montrent qu’avec « un effort relativement petit en incluant des éléments théoriques et un suivi pendant les projets, notamment sur le planning et la gestion des risques, de réels gains sont observés », souligne-t-il. « Les résultats de notre recherche constituent une découverte notable qui contribue à comprendre comment intégrer efficacement les projets dans les classes traditionnelles. »